La madeleine de Val
Il fait chaud. Trop chaud. Je suis assise à l’arrière de cette voiture qui mange l’autoroute depuis des heures. C’est long…
Parfois on discute de tout et de rien. D’autre fois on se tait. On ne sait plus vraiment quel sujet aborder. Je suis réservée. Je n’ose pas. Je suis impressionnée par ces gens si brillants et cultivés. Mes mots se tarissent. Le couple n’ose pas non plus . Ils ont probablement peur que leurs questions répétées finissent par me mettre mal à l’aise.
Lui, il est assis à mes cotés. J’ai le droit à un sourire complice chaque fois que je tourne la tête en sa direction. Nul besoin de se parler. On sait pourquoi on est assis là, dans l’auto de ses parents, et on est pressés.
Cet album tourne en boucle depuis des heures. C’est agaçant. J’aime pas ces chansons, qui m’agressent depuis notre départ. J’aime pas cette voix. J’ai peur que ces refrains désagréables me restent en tête, alors je m’efforce de penser à autre chose.
J’ai envie d’arriver. J’ai envie de sortir de la voiture. J’ai envie d’être seule avec lui et qu’il me serre dans ses bras. Dix jours entiers ensemble ! Je suis fiévreuse rien que d’y penser. J ‘ai envie de le regarder encore. J’ai envie de son sourire posé sur moi, faute de mieux pour le moment…Je le regarde une fois de plus. Il ne sourit pas, il rit. Il a l’œil qui pétille et le sourire moqueur. Je ne connaissais pas ce visage si caustique. Il me plait. Chacun de ses gestes, de ses regards, de ses expressions, de ses mots, me fait vibrer.
Il ouvre la bouche. Il demande à son père d’un air taquin, de changer un peu de Cd « Sinon, Valérie va finir par regretter d’être venue ». Sa Maman rit. Elle non plus elle n’aime pas. Personne ne supporte plus ce CD. Personne n’osait rien dire pour ne pas vexer le conducteur. Le Papa capitule, vaincu à trois contre un. Son épouse met la radio.
Les dix jours durant on se moqua de son Papa et de ses goût musicaux, parfois jusqu’au fou-rire. Bon prince, il prenait nos railleries avec le sourire.
Les dix jours durant on ne s’est pas quittés, lui et moi. Pas dormi. A peine mangé. Osmose totale, mais éphémère…
Sur le chemin du retour, la mort dans l’âme à l’idée de se quitter, on a crée la surprise en demandant à ses parents de nous remettre une fois le CD. Juste une dernière fois, pour que ces airs affreux nous restent en tête, comme ce séjour inoubliable.
Cette chanson (et les autres du même album) je l’avais toujours détestée. Maintenant, quand je l’entend par hasard (je ne l’écoute jamais exprès) , elle me rappelle un regard infiniment amoureux, et des bras tendres qui me serraient.
Non, non ! Pas de regret !