Consigne 51
Photo de coumarine
La surprise est de taille.
Je suis sidéré, sans voix, immobile et droit dans mes baskets qui pèsent soudainement très lourd. Elles sont trois, là devant moi. La grosse noire à l’allure boursouflée qui date un peu, la sportive en forme de poire et la petite rouge toute fraîche de l’été dernier. Elles sont trois, elles m’ont accroché le regard au détour de la quatrième marche de l’escalier en colimaçon. Trois, trois valises bien pleines posées contre la porte de mon appartement. Le premier choc passé, j’ai vainement essayé d’ouvrir la porte. Puis je me suis laissé glissé contre le mur du couloir avec cet air ahuri que je dois bien avoir encore.
Alors voilà…..elle me met dehors.
Ce matin pourtant elle m’a dit «à ce soir, n’oublie pas de descendre la poubelle»…..c’est un signe ça …non ? La poubelle j’ai oublié…j’oublie toujours. Je cogite…Non, ce n’est pas ça…..Le bonheur d’une femme ne tient pas au respect de quelques tâches ménagères…..Quoiqu’en y réfléchissant.
« Allez reprends toi, tu ne peux pas rester là, les voisins vont rentrer du travail, passer devant toi en gloussant : tu dois vider les lieux au plus vite. »
Seul, dans le petit renfoncement d’une porte cochère. Assis sur la grosse noire, assommé par la vie, je regarde le monde. Des pieds avancent sur les pavés devant moi, ils martèlent le sol d’un pas franc comme si la vie continuait, des pieds élégants, sportifs ou démodés mais des pieds qui savent visiblement tous où passer la nuit. Une petite dame aux cheveux grisonnant et à la vue probablement approximative vient de me donner la pièce….J’ai l’estomac noué et une envie de pleurer qui monte implacablement le long de ma gorge. Il faut que je me lève pour écumer les hôtels.
Si seulement j’avais pris le temps de descendre la poubelle.