Lydia
Elle n'était pas dans les manifestations d'hier. La politique, il y a longtemps qu'elle a décidé que ce n'était pas pour elle. Bonnet blanc et blanc bonnet. J'aimerais lui dire que non.
Elle travaille dur, elle fait le ménage dans le lycée de ma fille et elle ne fait pas semblant. Quand elle vient me voir c'est toujours pour que je l'aide à remplir ses papiers, à faire ses courriers, elle n'ose pas me déranger pour "rien". Ça me fait sourire, j'espère qu'elle viendra un jour juste pour le plaisir d'un thé et le soleil qui ruisselle sur les murs de mon balcon. Elle ne s'en sort pas. Le salaire minimum, un loyer de plus de la moitié, deux adolescents de l'âge des miens. Elle est de ces gens qui ne voient le mal nul part, qui offrent avec le sourire ce qu'ils n'ont pas et n'osent pas faire le premier pas pour réclamer ce à quoi ils ont droit.
Des retards dans le paiement du loyer, un lourd crédit pour payer une école privé de coiffure à sa fille, laquelle n'y met plus les pieds depuis des mois, une misère alimentaire indescriptible. C'est pourtant la France qui se lève tôt Lydia, c'est la France qui se lève tôt et qui n'a pas peur de travailler, c'est aussi celle qui ne peut pas acheter de fruits et de légumes, celle qui attend d'avoir un abcès et 40 de fièvre avant de voir un dentiste, celle qui espère depuis des mois le logement social qui lui permettrait de respirer un peu.
Elle est reparti avec son papier, le sourire dans les yeux, ne sachant que dire pour me remercier. Je me suis assise sur mon balcon, le soleil avait une délicate odeur de bonheur, j'ai regardé ma vie comme si le rideau se levait pour la première fois: c'est fou ce qu'on peut être heureux sans le savoir.