Dans l'instant
Au soleil retrouvé, les pensées innocentes marchaient sur la pointe des pieds.
Assise sous l'ombre du forsythia, les genoux repliés sur le ventre, elle observe les nuées aux relents boisés remonter d'une terre où il a plu et qui s'ouvre lentement à la chaleur. Entre ses mains, un livre prêté qui énumère les souvenirs-madeleines d'une enfance trop lointaine pour faire sens. Depuis de longues minutes déjà, ses yeux ont glissé, échappé aux mots, ils sont partis vivre des ailleurs chantant entre les voix affaiblies qui poussent de la rue et les toiles d'araignées qui prolongent le branchage irrégulier. Elle ne sait plus si ce matin le ciel voulait rire ou pleurer. Elle pense aux fleurs des champs dont elle ne manquera pas de garnir sa jardinière l'année prochaine, aux sourires volés dans la file d'attente d'une gare de province et aussi à sa main, soudainement libre, qui s'amuse en silence de l'ombre déformée qu'elle laisse sur le mur jaune.